Dans cette interview, Nadège Gayon-Debonnet nous parle du quotidien de la localisation de jeux vidéo, un métier encore méconnu du secteur de la traduction.
Venus tout droit du Japon, les jeux vidéo, à l’origine dédiés aux geeks, ont rapidement séduit un large public et ont traversé les générations. Au fil du temps, les bornes d’arcades ont été remplacées par les ordinateurs portables. C’est ainsi que le phénomène des jeux vidéo a dépassé les frontières et s’est diversifié. En effet, s’il est possible, à l’heure actuelle, de jouer en ligne avec votre voisin chinois ou vénézuélien dans des univers toujours plus grandioses, c’est d’une part grâce à l’évolution technologique et d’autre part, aux traducteurs, surtout spécialisés en localisation de jeux vidéo.
Après s’être intéressée à l’allemand, à l’italien, au russe ou encore au slovaque jusqu’à la fac, Nadège Gayon-Debonnet s’est consacrée exclusivement à l’anglais en entamant une Licence en Langues, Littératures et Cultures Etrangères à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand suivie d’un Master MéLexTra à Lille 3. Cette gameuse est aujourd’hui traductrice spécialisée en localisation de jeux vidéo et a contribué, entre autres, à la réalisation de Dragon Age : Inquisition et de plusieurs opus de la série Tales of.
Dans cette interview avec Cultures Connection, elle nous parle du quotidien de ce métier encore méconnu du secteur de la traduction.
Comment définiriez-vous la localisation de jeux vidéo ?
– D’abord, je dirais que c’est un travail très varié qui se rapproche parfois d’un jeu de devinettes. Comme on manque souvent d’informations sur le contexte de ce que l’on doit traduire et que l’on n’est jamais sûr d’obtenir des réponses à nos questions, il faut faire des recoupements et des déductions à partir du peu d’éléments dont on dispose. Il faut aussi savoir faire preuve de curiosité. Par exemple, pour un jeu d’exploration spatiale, j’ai dû faire des recherches sur des termes de botanique, de géologie, de chimie, de mécanique et de physique quantique, entre autres !
Ensuite, on constitue l’un des derniers maillons de la chaîne de création du jeu, et en étant au plus près du texte, on est souvent à même de repérer des erreurs qui ont pu échapper aux développeurs. Et puis, on reçoit également des textes non finalisés car le travail de développement se poursuit en parallèle. Il faut donc s’adapter au jour le jour aux changements effectués, et se dire que ce qu’on a passé trois jours à traduire ne servira peut-être pas du tout dans la version finale.
Etes-vous vous-même gameuse ?
– Oui, mais je manque de temps pour me consacrer à mes jeux autant que je voudrais. Skyrim m’attend depuis des mois sur mon ordinateur et je n’ai pas encore eu l’occasion de m’y mettre. Je joue surtout sur smartphone, c’est plus facile de trouver un moment pour une petite partie que de se dire qu’on va se lancer pour une cinquantaine d’heures dans un jeu de rôle sur console ou PC.
Travaillez-vous en équipe ?
– Oui et non. Je travaille seule chez moi, mais dans les faits, nous sommes généralement plusieurs à travailler sur un même jeu. Je suis toujours en contact direct au moins avec le chef de projet et parfois avec le relecteur ou le traducteur si c’est moi qui relis. Et puis, de temps en temps, sur certains projets, il arrive que tout le monde se retrouve dans une conversation Skype pour échanger sur les choix de terminologie.
Quels logiciels de traduction utilisez-vous ?
– Depuis quelques années, j’utilise presque exclusivement MemoQ. Tous mes clients s’y sont mis et je dois dire que je le trouve très pratique. Avant ça, je suis passée par Trados Studio, et encore avant, cette usine à gaz qu’était Trados 2007.
Quels sont les clients les plus importants de la localisation de jeux vidéo ?
– Il y a deux types de clients : les éditeurs de jeux vidéo eux-mêmes, et les agences de localisation qui peuvent servir d’intermédiaires entre les éditeurs et les traducteurs. Pour ma part, je travaille essentiellement pour des agences. Bien que les tarifs soient moins élevés qu’en travaillant directement pour les éditeurs, elles prennent en charge la gestion (souvent complexe) des projets et les relations (souvent complexes aussi) avec les éditeurs, ce qui est déjà un soulagement.
Si vous deviez apprendre une langue en plus pour étendre vos compétences dans la localisation de jeux vidéo, quelle serait-elle ?
– Le japonais. Je travaille souvent sur des jeux traduits du japonais à l’anglais pour ensuite être traduits vers les autres langues européennes. Ce système de traduction-relais permet de minimiser les coûts pour les éditeurs, mais parfois au détriment de la qualité. Je me retrouve souvent à me dire que ce serait beaucoup plus simple pour moi si je comprenais le japonais, puisque le texte source figure souvent dans mes fichiers à côté de la version anglaise. Mais, c’est assez difficile de trouver le temps et l’énergie d’apprendre une langue aussi complexe.
Avez-vous une anecdote à me raconter qui résumerait la réalité du localisateur de jeux vidéo ?
– Pendant mon stage, une des chefs de projet m’a dit : « Si un jour j’écris mon autobiographie, je l’intitulerai Could you please provide more context ». Je me dis souvent la même chose. C’est la phrase que l’on écrit le plus souvent dans ce métier, pas dans nos traductions elles-mêmes, mais dans les fichiers de questions qu’on envoie aux développeurs pour avoir des précisions. Il faut dire que les textes sources ressemblent souvent à de longues listes de mots sans la moindre indication.
Quels jeux rêveriez-vous de traduire et pourquoi ?
– J’adorerais travailler sur les sagas Zelda et Final Fantasy, tout simplement parce que ce sont mes jeux préférés ! J’aime beaucoup le principe présent dans ces deux séries : inventer à chaque fois une nouvelle histoire, mais en conservant des éléments récurrents. Malheureusement, je n’ai pas encore eu l’occasion de m’y frotter professionnellement.
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