Dans cette interview pour Cultures Connection sur la post-édition, la traductrice américaine Diana Rhudick* a accepté de nous donner son avis sur le métier de post-éditeur, et de nous parler de son parcours professionnel dans la traduction.
Comment avez-vous su que le métier de traducteur était fait pour vous ? Quels sont vos domaines d’activité ?
J’ai compris que je voulais travailler dans les langues dès lors que nous avons reçu de nouveaux livres flambant neufs, tout droit sortis de chez l’éditeur en cours de français au collège. J’ai ensuite suivi mon premier cours de traduction à l’université, et j’ai compris que j’en ferais mon métier lorsque j’ai remarqué que je prenais du plaisir à faire mes devoirs. Je préfère traduire dans le domaine publicitaire, car nous avons la possibilité, en tant que traducteurs, de réinventer le texte et de laisser libre court à notre imagination.
Qu’est-ce qui différencie la traduction automatique avec post-édition (MTPE) de la révision ?
Lorsque je révise un travail, je porte mon attention sur plusieurs détails qui vont être différents selon qu’il s’agisse d’une traduction humaine ou d’une traduction automatique. Par exemple, un traducteur peut accidentellement oublier de traduire une partie du texte, ce qui est plus rare lorsqu’il s’agit d’une traduction automatique.
Le plus souvent, on retrouve dans les traductions automatiques des erreurs liées au sens ou au style de la phrase, alors qu’il s’agira d’erreurs concernant le choix des mots dans les traductions humaines. C’est pourquoi il est plus fréquent de reformuler certaines phrases afin de rendre le texte plus naturel lors d’une révision de post-édition.
Comment mesurez-vous la qualité d’une traduction ?
Je n’utilise pas de grille d’évaluation pour noter les erreurs de décision d’un traducteur, comme le fait l’Association américaine des traducteurs (American Translators Association). Selon moi, une bonne traduction doit être complète, précise, fluide, et présenter le bon registre et la bonne terminologie.
Quels sont, pour vous, les points positifs et les points négatifs des outils de traduction automatique quand vous faites de la post-édition ? Considérez-vous ces outils de TAO comme un gain de temps, un atout, ou plutôt comme une perte de qualité et d’efficacité ?
Afin de déterminer si les outils de TAO sont une bonne solution pour la traduction, il faut analyser le type de texte qu’on doit traduire. Ces outils permettent de gagner un maximum de temps lorsque la langue cible du texte est commune (car le logiciel regorgera de données sur cette langue). Aussi, il faut s’assurer que le moteur de traduction automatique ait été spécifiquement formé au sujet abordé, et que le résultat final sera ensuite modifié par un traducteur. Personnellement, je pense que les outils de traduction ne sont pas performants si le texte est littéraire ou créatif.
Préférez-vous effectuer un travail de traduction humaine ou un travail de post-édition ? Êtes-vous souvent confrontée à un texte traduit par un outil de traduction qui n’a aucun sens, ou qui présente beaucoup d’erreurs ?
Franchement, je peux affirmer que je n’ai jamais reçu de textes traduits entièrement par un outil de traduction qui n’avait vraiment aucun sens. La technologie a fait tellement de progrès ! Cela dit, j’ai quand même une préférence pour les traductions humaines. Il s’agit de traductions beaucoup plus variées, et il m’arrive parfois de repérer quelques choix de traduction que j’utilise dans mon propre travail. Avec des outils de traduction, les résultats sont très ressemblants, et cela peut devenir monotone. Parfois, certaines phrases peuvent paraître parfaitement normales, mais le sens diffère de celui du texte source. Lorsqu’un traducteur n’est pas totalement sûr d’une phrase, il aura tendance à rester plus proche du texte source et à proposer une traduction maladroite qu’il faudra modifier par la suite. Pour un réviseur, c’est précisément ce qui lui met la puce à l’oreille.
Avez-vous une anecdote particulière en relation avec la post-édition à nous raconter, un projet marquant ?
Que diriez-vous de quelques statistiques ? D’ici 2027, le marché mondial de la traduction automatique devrait atteindre les 3 milliards de dollars. Les domaines pour lesquels la croissance est la plus forte sont celui de l’électronique, de la santé et le domaine militaire.
Quelles différences existe-t-il entre le travail qu’implique une traduction humaine, et celui de la traduction automatique avec post-édition ? Avez-vous noté des différences flagrantes depuis le début de votre carrière ?
La traduction automatique a beaucoup progressé ces dernières années. Au départ, un grand nombre des traductions produites par des outils TAO étaient du pur charabia, et les traducteurs se plaignaient des maux de tête et de la fatigue mentale que leur provoquait la révision. De nos jours, les traductions automatiques présentent beaucoup moins d’erreurs, et il est peu probable qu’il s’agisse de simples erreurs terminologiques ou grammaticales.
Pensez-vous qu’un cours de post-édition à l’université permet aux étudiants de devenir plus qualifiés et mieux préparés au marché du travail ?
Absolument ! Enseigner les principes de la post-édition est une très bonne idée, car les compétences requises sont spécifiques. Qu’on le veuille ou non, la traduction automatique est notre avenir, il est donc logique d’apprendre aux étudiants à post-éditer une traduction automatique.
La Certification Trados pour la post-édition est-elle utile ? Considérez-vous cela comme une bonne formation ?
La Certification Trados correspond à une formation pour débutant en post-édition, ce qui est déjà un bon début. Je sais que la Translation Automation User Society propose une formation en post-édition et en révision à 100 euros, mais je ne sais pas ce qu’elle vaut. Nous commençons à peine à reconnaître les besoins spécifiques en termes de compétences pour la post-édition, donc cela ne m’étonnerait pas que l’offre de formations s’étoffe.
La post-édition représente-t-elle un défi pour le métier de traducteur ?
Tout dépend de la perception. Certains diront que c’est un défi, tandis que d’autres affirmeront que c’est une chance. En d’autres termes, préférez-vous dénoncer l’abandon des anciennes habitudes et insister sur la traduction purement humaine, ou préférez-vous accepter le changement et vous adapter au nouveau marché ? Comme je suis dans le métier depuis longtemps, je pense que quelque chose se perd si les nouveaux traducteurs n’ont pas la chance d’analyser un texte et de créer leurs propres phrases, en utilisant leurs connaissances dans le domaine en question et leurs connaissances linguistiques.
*Passionnée par les langues depuis son plus jeune âge, Diana Rhudick a obtenu un diplôme de Master en traduction à l’Institut Middlebury (Middlebury Institute of International Studies) à Monterey et depuis lors se consacre à la traduction du français et de l’espagnol en anglais. Spécialisée dans les domaines juridique, commercial, de la santé publique ainsi que dans les textes techniques, Diana Rhudick est une traductrice hautement qualifiée et compétente, certifiée par l’Association américaine des traducteurs (ATA).
**Traduit en français par Laura Le Galliot.