Jean-François Ménard, traducteur français de Harry Potter, nous livre les secrets de la traduction française du livre de J.K. Rowling.
La traduction littéraire a des défis qui lui sont propres, et que l’on ne retrouve que rarement dans la traduction juridique ou la traduction financière, par exemple. C’est le cas des noms propres. Faut-il les traduire ? Ne pas les traduire ? Découvrez cinq cas tirés de la traduction française de Harry Potter, de J. K. Rowling.
Quand traduire ? Les Moldus et Poufsouffle
Le cas des « Moldus » est particulièrement intéressant et éclairant. Rappelons pour les non-initiés que le terme « Moldu » désigne les personnes ne possédant pas de pouvoirs magiques et menant leur petite vie le plus souvent dans l’ignorance du monde des sorciers. « Moldu » est la traduction de l’anglais « muggle ». Muggle est un terme très rare en anglais. On en trouve à peine une trace dans une pièce de Thomas Middleton du début du XVIIe siècle, mais on en ignore à vrai dire le sens. S’il apparaît également dans quelques dialectes régionaux, muggle est essentiellement un mot qui n’a pas de sens clair ou défini en anglais. Le traducteur, Jean-François Ménard, a cherché un mot qui ait des caractéristiques similaires en français, et il a inventé « moldu »:
- Les « moldus » sont « mou du », dans le sens qu’il leur manque quelque chose, à savoir la capacité de produire de la magie;
- La sonorité de « moldu » rappelle celle du terme original anglais.
La maison Poufsouffle, quant à elle, a fait l’objet d’une traduction littérale, ou presque. En anglais, cette maison de Poudlard s’appelle « Hufflepuff ». C’est la formule qui est utilisée dans le conte traditionnel lorsque le loup souffle les maisons des trois petits cochons (“I will huff and puff and I will blow your house down”). Mais il s’agissait également, pour le traducteur, de transmettre l’idée que les élèves de l’école Hufflepuff ont des difficultés à apprendre et que, en quelque sorte, ils s’essoufflent à la tâche. D’où le terme « poufsouffle ».
Quand ne pas traduire? Dumbledore, Hagrid et Minerva
Certains noms propres, en revanche, n’ont pas été traduits par Jean-François Ménard. C’est le cas notamment de la triade Dumbledore, Hagrid, Minerva (McGonagall). Pourquoi triade ? Parce que ces trois noms sont présents dans les deux premières pages du chapitre 20 d’un livre de Thomas Hardy intitulé le Maire de Castelbridge. Le fait que ces trois termes aient cette origine en commun a poussé le traducteur à les conserver. Mais Ménard propose également d’autres explications:
- Le terme « Dumbledore » désigne dans certains dialectes le bourdon. Or Ménard trouvant maladroit d’utiliser ce terme français a préféré conserver l’original, qui renvoie à la curiosité du personnage, qui va toujours comme de fleur en fleur.
- « Hagrid », pour sa part, désigne une personne hantée par les cauchemars ou des esprits malfaisants. Pour le traducteur, trouver un terme correspondant en français pour décrire de manière aussi évocatrice ce personnage était mission impossible.
- Minerva, le prénom de McGonagall, c’est, comme tout le monde le sait, la déesse de la sagesse, des sciences et des arts, mais aussi de la guerre. Ici plus encore qu’ailleurs, la décision était facile : non seulement le prénom décrit parfaitement le personnage, mais en plus il est « transparent » pour un lecteur francophone.
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