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2017
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Marie-Agnès Latourte : Quand formation et entreprise s’entremêlent

Préparer les étudiants au monde du travail : la parole à Marie-Agnès Latourte, responsable du Master en Communication Interculturelle et traduction à l’ISIT.

Avant même d’entrer à l’ISIT en vue d’obtenir un diplôme de traductrice puis d’interprète de conférence, Marie-Agnès Latourte se lance dans la traduction d’une pièce de théâtre du dramaturge allemand Wolfgang Borchert, « Drauβen vor der Tür », découverte au lycée. Une fois son diplôme en poche, cette jeune traductrice se constitue une clientèle indépendante dans le domaine de la mode, de l’assurance ou encore de l’hôtellerie mais se consacre surtout au secteur médical et travaille pour de grands laboratoires pharmaceutiques. Puis, après quelques années d’expérience, elle décide de revenir sur les bancs de l’école pour transmettre, à son tour, les ficelles du métier.

Aujourd’hui responsable du Master en Communication Interculturelle et Traduction à l’ISIT, elle constate : « Une formation qui n’évolue pas, qui n’est pas à l’écoute de l’entreprise, ni des tendances actuelles que ce soit en traduction ou en communication est vouée à disparaître ». Et poursuit : « À l’ISIT, nous sommes en contact très régulier avec les entreprises par le biais des maîtres de stage et d’apprentissage. Et ça, c’est la garantie d’une certaine fiabilité et d’une adéquation entre une formation et le monde de l’entreprise. De plus, nous avons une pédagogie très axée sur le mode projet, ce qui permet à nos étudiants d’apprendre à travailler en équipe et à respecter la différence. Nous avons aussi des profils linguistiques très variés avec l’arabe ou le chinois et, depuis quelques années, des étudiants dont la langue maternelle n’est pas le français. Ils sont donc en contact avec des cultures et des profils linguistiques très différents et ils apprennent à écouter et à travailler avec l’autre, ce qui les prépare très bien à la vie en entreprise ».

Dans cette interview, Marie-Agnès Latourte nous révèle les secrets de cette formation qui semble combler les attentes tant des élèves que des entreprises.

Quelle est la plus-value pour vos étudiants sur le marché du travail d’avoir opté pour un master qui mêle traduction, communication et interculturalité ?

Aujourd’hui, une minorité des étudiants se destine exclusivement à la traduction. Dans ce cas, ils travaillent comme indépendants, traducteurs ou chefs de projet pour des sociétés de traduction ou pour des organisations internationales comme l’ONU, l’OTAN, le Parlement européen, etc. Mais, dans les entreprises, on a constaté depuis une vingtaine d’années que le traducteur en tant que tel était de moins en moins présent. Les entreprises avaient souvent un service de traduction rattaché au service de documentation mais ces services ont, pour la plupart, disparu alors que les besoins en traduction sont toujours bien présents. On a constaté que les services de communication étaient de fins recruteurs de compétences en traduction. Ils engagent des assistants, des chargés de communication interne ou externe… qui, dans le cadre de leur activité de communicant, font de la traduction. Ils traduisent, par exemple, des sites web ou s’occupent de la gestion des réseaux sociaux. Et, dans ce contexte-là, les entreprises internationales qui se développent rapidement ont besoin de personnes qui parlent au moins l’anglais et le français mais parfois aussi l’espagnol, l’allemand ou l’italien et qui maîtrisent parfaitement la traduction ou la rédaction. Donc, c’était un moyen pour nos étudiants de continuer à faire ce qu’ils aiment, c’est-à-dire traduire, continuer à utiliser leurs langues à l’écrit mais sans occuper des postes mentionnant ouvertement les fonctions de traducteur ou rédacteur technique.

Pourquoi une personne bilingue ayant étudié la communication ne pourrait-elle pas se charger de ce poste ?

Si nos étudiants n’avaient pas associé leurs connaissances en communication interculturelle à des connaissances linguistiques, premièrement, ils n’auraient pas cette aptitude à faire non pas ce qu’on appelle une traduction littérale mais une véritable adaptation. Deuxièmement, ils ne connaîtraient pas les contraintes qu’impose aujourd’hui essentiellement la communication digitale en termes d’adaptation pour des publics, des cibles de cultures différentes… Et ça, c’est quelque chose que vous apprenez quand vous avez des années de traduction derrière vous et que vous avez compris que traduire ne consiste pas seulement à utiliser un logiciel de TAO pour transférer des mots d’une langue à l’autre.

Je pense aussi que la connaissance des cultures et les cours de communication interculturelle que nos étudiants reçoivent durant leur formation leurs permettent d’être de très bons traducteurs et d’être appréciés par les entreprises. Après quelques années d’expérience, ils accèdent à des postes prestigieux de réviseurs au sein des OI, ou gèrent des grands comptes clients dans des sociétés de traduction. La traduction, c’est quand même quelque chose qui ne s’improvise pas. On peut être bilingue mais ne pas être capable de traduire. Il vaut mieux avoir une excellente langue maternelle plutôt qu’un profil biculturel ou binational avec une maîtrise parfois imparfaite des deux langues.

L’ISIT a diversifié sa formation, qu’est-ce que ça en dit sur le marché de la traduction ?

On constate aujourd’hui qu’il y a beaucoup de postes de traducteurs qui ont disparu dans les entreprises. En effet, celles-ci ont de plus en plus recours aux services de sociétés ou d’agences de traduction dont les tarifs sont concurrentiels. La diversification de la formation répond donc à un besoin de trouver, pour chacun de nos étudiants, un poste qui va lui convenir. Et puis, ils ont intégré cette école parce qu’ils aiment les langues et les cultures, mais il y a peut-être un quart des élèves du Master en Communication et Traduction qui veut se consacrer à la traduction à temps plein. Je pense aussi que le stéréotype du traducteur – la personne qui travaille toute seule devant un écran à faire des recherches sur Internet et à utiliser des logiciels – pousse les étudiants à se tourner vers d’autres postes en lien avec leur profil d’aujourd’hui. À savoir, ouvert au monde, attiré par d’autres cultures et d’autres langues mais aussi prêt à se former à d’autres compétences et à expérimenter d’autres métiers.

Pour vous quelles sont les qualités requises pour être un bon traducteur ?

Tout d’abord, il est primordial que nos étudiants maîtrisent la langue qu’ils vont traduire, c’est-à-dire la langue source. Il faut qu’ils la comprennent parfaitement, donc, durant le premier cycle, ils ont beaucoup de cours de langues, de rédaction, de compréhension, d’expression orale et de traduction. Ensuite, on leur demande surtout de s’approprier un texte en ayant compris tous les éléments implicites qu’il contient pour pouvoir l’adapter, le reformuler, et faire en sorte que ce texte dans la langue cible soit vraiment une création plus qu’un transfert de mots d’une langue à l’autre. Enfin, pour ceux qui veulent vraiment s’orienter vers la traduction, ils suivent des cours de terminologie dans lesquels ils analysent les termes dans un contexte spécifique, leurs significations, leurs collocations, etc. On leur apprend aussi à avoir un esprit de discrimination que les dictionnaires ne peuvent pas avoir parce qu’ils proposent des traductions de termes sans connaître le contexte. Enfin, durant leur cursus, on leur enseigne la théorie de la traduction et on leur permet de se familiariser avec divers domaines comme le sous-titrage, la localisation, la traduction juridique, technique et financière… Bref, lorsqu’ils sortent, ils peuvent s’orienter vers le domaine de leur choix et ont déjà un bon bagage pour affronter le monde du travail comme de vrais professionnels.

Est-il essentiel pour un traducteur de maîtriser les outils de TAO ?

Oui, ils sont absolument essentiels en traduction. Dans le Master que je dirige, nous demandons à nos étudiants de maîtriser au moins Trados parce que c’est la référence en TAO. Évidemment, il se peut très bien que dans une entreprise, on leur demande d’utiliser Wordfast ou DéjàVuX mais, ce qui est important, c’est qu’ils sachent que ces logiciels sont une véritable aide pour les traducteurs. C’est pour cette raison qu’on les sensibilise à ces outils. Aujourd’hui, lorsque les employeurs les recrutent, ils leurs demandent de maîtriser les logiciels de TAO. C’est un peu comme maîtriser la suite Office ou savoir utiliser un logiciel de sous-titrage pour la traduction audio-visuelle, c’est l’outil de base.

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Cet article a été écrit par Lara

Lara est diplomée en presse magazine et photojournalisme de l'IHECS. Après avoir voyagé en Nouvelle-Zélande et en Asie du sud-est, elle a décidé de s'installer à Buenos Aires. Elle travaille actuellement chez Cultures Connection.